Introduction
Où en es l'épigraphie médiévale?
Le mot "épigraphe", traduction grecque du latin inscriptio, est apparu en 1694. L’étymologie (grec"epi-graphein", latin "in-scribere", "écrire sur"), indique bien que l’on est dans le domaine large de l’écrit. On a très souvent défini l’épigraphie comme la science de ce qui est écrit sur une matière durable et, de fait, les inscriptions sont le plus souvent tracées sur pierre, sur métal. Mais le support est en soi indifférent: broderie, tapisserie, verre (vitrail), poterie, os, stuc, bois, ardoise, etc., et certains de ces supports ne sont pas à proprement parler résistants ni durables. Pour définir l’épigraphie, il faut donc partir non de la forme, mais des fonctions de l’inscription. Les inscriptions n’ont pas pour objet de fonder les droits, d’établir des actes de nature juridique comme le font les chartes. L’épigraphie est la science de ce qui est écrit - c’est son étymologie - en vue de communiquer quelque élément d’information au public le plus large, et pour la plus large durée. Et l’objet de son étude, c’est naturellement le contenu du message qu’elle transmet.
Voyageurs, pèlerins ont tôt réuni des recueils d’inscriptions des sanctuaires qu’ils visitaient, tombeau de saint Martin à Tours, églises de Rome, monuments de Jérusalem ou de Bethléem par exemple. Les chroniqueurs ont souvent inséré des inscriptions dans leurs œuvres, soit que ces textes rappellent des fondations pieuses ou donations de tel ou tel grand personnage, soit qu’il s’agisse d’épitaphes rappelant naissance, hauts faits, vertus de leurs héros. Au XIVe siècle, on commence à s’intéresser aux inscriptions comme documents d’une histoire nationale: lorsqu’il visite Rome, Pétrarque s’efforce de déchiffrer les versiculos Romanis in saxis sculptos, "les vers gravés sur les pierres par les Romains", et Cola di Rienzo est, de son temps, l’un des seuls capables de lire les vieux caractères sur les marbres de la Ville. Au siècle suivant, Petrus Sabinus rassemble 240 inscriptions chrétiennes sur des monuments de Rome et de ses environs. Mais ce n’est qu’au XVIIe siècle que se généralise la pratique de recueillir systématiquement les inscriptions, en premier chef pour le monde antique, pour lequel manquent si ordinairement les autres sources écrites. De nombreux recueils sont aussi constitués pour des inscriptions médiévales et modernes, le plus ordinairement pour des considérations généalogiques. On ne songe pas encore pour le Moyen Age et les temps modernes à des recueils généraux, tant les sources d`archives apparaissent alors comme le matériau même de l’historien, un matériau si important qu’on ne voit pas l’intérêt de le compléter par l’apport des sources épigraphiques. Et si ces recueils systématiques commencent at être réalisés, pour le Moyen Age, à partir du XIXe siècle, il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour qu’une recension générale des inscriptions médiévales soit entreprise à l’échelle de pays entiers.
(Extrait: Favreau, Robert: Épigraphie Médiévale. L' Atelier du Médiéviste 5. Turnhout: Brepols, p.5)